HASTANE ÖNÜNDE İNCİR AĞACI
Dedim : Tu te souviens, il y avait deux fauteuils chez toi, devant la fenêtre. (Derrière la fenêtre il y avait une église.) Deux fauteuils qui gardaient toujours une distance entre nous. Tu étais devant moi. Heureusement, j'avais des pieds. En fait, je n'avais que des pieds. Peut-être que je me suis trompée. Ils étaient deux branches séchées en vérité. Tes doigts étaient un chapelet égrené pendant une bénédiction de Cem. Dede disait : "Maintenant il pleut à Kerbela,"en français. Dès qu'il le disait, je devenais un arbre. Un arbre, par sa racine, qui fleurissait.
Dedi : Alors que moi, je pensais à tes feuilles. Parce que tu avais des cheveux qui me faisaient penser aux figuiers. C'était un figuier devant l'église. Tes feuilles cachaient tes fruits. Je ne savais même pas si tu avais des fruits. Peu importe! Moi, je contemplais tes feuilles. Tu le sais, on buvait déjà "les larmes de Jésus" en disant "à tes amours". Elles avaient la couleur du sang. J'avais la souffrance. Oui, on buvait "les larmes de Jésus". Moi, j'étais sous le figuier. Le figuier était devant l'église. "Incir" non?
Dedim : Plutôt "incir agaci". Tu sais, quand j'étais petite, ma mère me disait que le lait des figues va guérir des blessures. Mais il faut les cueillir avant qu’elles soient mûres.
Dedi : Je saignais. En fait, c'était ma racine qui saignait en coulant sur la racine d'un figuier. "incir agaci", n’est-ce pas ?
Dedim : J'adorais ta manière d'être blessée.
Dedi : C'est pourquoi tu étais un arbre devant l’église qui fleurissait.
Dedim : Oui, c'est pourquoi j'étais un figuier tout rouge devant l’église qui fleurissait .
Par Canan Domurcaklı
le travail de l'artiste
Les Piqueurs de Mots ont participé aux lectures
Les Piqueurs de Mots ont participé aux lectures de poésie turque organisées dans le cadre de la présentation de la revue numérique Ayna (www.revueayna.com) à l'Université de Bordeaux 3. Le public a été nombreux et très attentif. Un bon moment partagé!
Cucurbitulaïsme
D'après l’Académie française, notre langue comporte entre 50 et 200 000 mots. Un tel écart se justifie selon que vous soyez footballeur ou astronaute. A première vue, nous disposons donc d’un vocabulaire plus ou moins étendu qui nous permet d’exprimer de nombreuses idées et autres concepts. Seulement voilà : l’homme a aussi inventé la poésie, dans le but certain de justifier l’emploi d’un mot à la place d’un autre. En effet, sa patience a des limites, et il ne se voit pas apprendre les 200 000 mots de sa langue, alors qu’il y a tellement de trucs bien à la télé. Ainsi, quand je dis « toile toute trempée et tachetée » j’utilise une allitération en t, mais surtout je parle d’une serpillère. Et je viens, par mon ignorance, d’employer ce que l’on appelle communément une figure de style. Il en existe toute une flopée. Quand je dis, par exemple : «Hercule des temps modernes, j’utilise un pédalo comme moyen de locomotion », je fais une métaphore en me comparant au héros grec. Quand j’ajoute « Et je t’invite à boire une méduse », je ne parle pas bien sûr du contenant (la bestiole) mais du contenu (de l’eau à 98% et du truc dégueu indéfini à 2%). Cela s’appelle une métonymie. Enfin, quand je conclus par « Ton intelligente connerie me fascine », je fais un oxymore, par lequel je rapproche deux termes contradictoires.
Poètes en herbe et fans de tuning ont donc en commun qu’ils utilisent, volontairement ou pas, des figures de style. La langue française étant trop sérieuse pour qu’on en rit, il y a donc urgence à légiférer sur l’utilisation de certains procédés littéraires afin qu’on n’en dénature pas la portée. On en prend pour preuve la synecdoque, qui a beaucoup souffert d’utilisations abusives. On rappelle que derrière ce qui ressemble à un nom de médicament se cache en vérité une figure de style des plus pratiques puisqu’elle permet de remplacer un mot par un autre ayant une relation d’inclusion avec celui-ci. En langage civilisé, quand un journaliste titre par exemple : « Bordeaux champion! », il faut entendre que c’est l’équipe de Bordeaux qui a gagné, et non le Bordelais lambda qui est resté chez lui en slip à faire des mots croisés.
Voici donc ma contribution en faveur de l’avancée de la langue française, pas encore validée par l’Académie, mais comptez sur moi pour me battre afin que ma proposition soit reconnue, appliquée et enseignée dès la prochaine rentrée scolaire : je propose que l’on utilise le terme « Cucurbitulaïsme » pour désigner toute action qui emploie le verbe «courgetter » (j’anticipe sur les mots qui apparaitront dans le Larousse de 2017). Par exemple : « Longtemps, je me suis courgetté de bonne heure ». Ou encore : « On ne courgette pas avec l’amour ». Vous voyez, c’est très simple d’utilisation et très pratique si jamais vous êtes las d’apprendre les 12 000 verbes que propose le Bescherelle. Le rêve devient donc réalité (et, au passage, lisez "Autobiographie d'une courgette" de Gilles Paris, c'est drôle, c'est triste, c'est superbe).
puits
ignorants de l’avenir
tels des vagabonds assoiffés
nous scrutons notre puits intérieur
les puits parlent peu
ils résonnent
nous cherchons la solution de leurs charades
dans les profondeurs de leurs échos
dans l’obscurité de leurs silences
dans la longueur de leurs craquements
une seule note nous éclairera
« même si elle n’existe pas elle captive nos regards vers l’inconnu »psalmodie la rosée
Cette impression sereine... Est-ce le temps qui
Laisser un mot
Oui, juste un mot. Un petit mot, sur une table, sur une étagère, sous une porte. On le pose comme un baiser, avec légèreté, confiance ; souvent avec amour. Un mot à dire mais qu’on préfère écrire. Ce mot accrochera un sourire, déchirera un visage, sera déchiré ou bien conservé ou bien oublié. Mais cela ne viendrait à l’esprit de personne de ne laisser qu’un seul mot au milieu de la feuille…
SEMPITERNEL : Qui n'en finit pas. Comme nous
SEMPITERNEL : Qui n'en finit pas. Comme nous explique très pertinemment Wikipédia :
"[...], tout comme il existe des scientifiques qui ont pris position au sujet de la sempiternelle controverse de la poule et de l'œuf, je me propose de présenter une solution au conflit entre les articles 6 et 12 de la directive 95/46." (M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer, « Conclusions de l'avocat général présentées le 22 décembre 2008 », College van burgemeester en wethouders van Rotterdam contre M. E. E. Rijkeboer, traduction française, 2008). Car être sempiternel, c'est n'avoir ni commencement ni fin.(Richard de Saint-Victor, La Trinité, 1959)
Quels d'exemples éclairants! Il est vrai que seule une controverse aussi grave que celle de la poule et de l'œuf peut justifier l'emploi du mot sempiternel. C'est un mot que l'on utilise pour frapper les esprits, pour donner à un discours politique un poids de valeur. Wikipédia ignore l'essentiel. Sempiternel est un mot magique, invocateur, qui rappelle nos vieux druides aux doigts collants de gui. Il évoque les coins obscures de campagnes, le mystère des criques, le hoquet répété des torrents. Il unit l'eau et la terre en 4 syllabes mais dans le discours des hommes, il marque une sorte de folie: une sempiternelle question, un sempiternel conflit, etc. Sempiternel se glisse et louvoie tel un méandre dans la pensée: ce sempiternel doute... Ce quelque chose qui ne sait pas finir semble forcément suspect, néfaste, anormal. L'éternel est plus noble et pourtant lui aussi n'en finit pas de durer...